La motricité libre
Qu’est ce que la motricité libre ?
La motricité libre consiste à laisser l’enfant libre de ses mouvements afin de lui permettre d’explorer son corps et de se développer en toute confiance. Un concept qui date des années 60 mais qui fait partie intégrante aujourd’hui des projets pédagogiques de très nombreuses crèches.
Emmi Pickler (pédiatre) est convaincue que le petit enfant est en mesure de se développer seul, sans l’intervention de l’adulte : l’enfant évolue librement sous le regard de l’adulte.
Le développement moteur s’acquiert naturellement et dans un ordre bien précis. Le fait que l’adulte n’intervienne pas pour contraindre l’enfant à prendre une posture entraînerait chez le tout petit un sentiment d’accomplissement et de sécurité.
Les bienfaits de l’activité libre
Les premiers mois, le nourrisson a besoin d’être entouré physiquement pour se constituer une sécurité affective. Cette sécurité de base acquise, l’enfant va pouvoir ensuite s’exprimer par sa motricité. Et il est fondamental de lui permettre, dans cette période cruciale, d’être libre de ses mouvements : le laisser bouger, explorer l’espace, saisir des objets, les relâcher, sentir les formes, les textures… « Grâce à l’activité spontanée, l’enfant devient acteur de son développement, souligne Monique Busquet psychomotricienne, formatrice au Conseil départemental de Seine Saint-Denis. Il peut tester les limites de son corps et expérimenter de nouvelles positions librement. » En répétant les exercices, l’enfant se prépare ainsi tout seul aux différentes acquisitions. Il progresse à son rythme sans qu’on ait besoin de devancer ses besoins. « Il est important de ne pas le contrarier en lui faisant faire des choses pour lesquelles il n’est pas prêt, comme l’asseoir, le mettre debout, on risque au contraire de le crisper et de le mettre en échec », poursuit la spécialiste.
La motricité libre permet aux enfants d’acquérir plus de confiance puisque ce sont eux-mêmes qui construisent leur propre chemin. Elle favorise aussi leur esprit d’initiative et leur créativité.
La motricité libre en pratique
D’une manière générale il s’agit de laisser à l’enfant la possibilité de se mouvoir et d’explorer librement son environnement. L’enfant fait ses acquisitions de façon autonome il faut donc éviter de le contraindre dans une position dans laquelle il ne sait pas se mettre (ou en sortir) seul.
Dès les premiers mois, il est alors possible d’installer l’enfant au sol, sur un tapis avec différents jeux posés autour de lui pour lui donner envie d’explorer.
La motricité libre ne consiste pas à laisser le tout petit faire seul avec une surveillance éloignée, il s’agit de le laisser expérimenter seul avec son corps mais l’adulte est présent pour l’accompagner verbalement : l’encourager, lui donner confiance, installer des objets à disposition pour que l’enfant ait envie d’avancer.
Le regard bienveillant de l’adulte reste primordial pour que le tout petit se sente en sécurité. L’estime de soi est en pleine construction et le regard encourageant et aimant des parents est un miroir formidable pour le jeune enfant
Les accessoires
Les nombreux accessoires de puériculture sont bien souvent une entrave à la motricité libre. Et oui, rassurez vous, pour laisser votre enfant expérimenter il n’est pas nécessaire d’acheter du matériel spécifique, bien au contraire !
Le transat, le cale bébé, le trotteur, le parc sont des accessoires permettant d’installer l’enfant dans une posture qu’il n’est pas en mesure de prendre seul ou qui limite les mouvements. Ils sont donc déconseillés.
Cependant restons rationnels, leur utilisation avec parcimonie reste tout à fait possible à condition que l’enfant n’y passe pas la majorité de son temps.
Mon enfant n’aime pas être installé au sol
Si certains enfants apprécient dès leur plus jeune âge être posés au sol, pour d’autre la séparation et la position leurs sont insupportables. Dans ce cas testez progressivement la notion de plaisir partagé :
Si votre tout petit passe du temps allongé avec vous, qu’il voit dans votre attitude et votre regard que vous prenez du plaisir à jouer avec lui, il va progressivement se détendre et accepter cette position qui sera alors associée à un sentiment plaisant.
Posez-le sur le dos, allongez vous près de lui pour être à son niveau. Dans un premier temps vous pouvez établir ces moments de jeux complices sur votre lit. L’espace est confortable et votre enfant s’y sentira en sécurité à vos côtés (bien évidemment ne le laissez jamais seul sur votre lit). Regardez-le, jouez avec lui, chantez-lui de petites comptines…. Ces moments de complicité rendront la posture agréable pour vous deux ! Au fur et à mesure continuez ces temps de jeux sur un tapis au sol pour que votre enfant se familiarise avec vous.
Prenez le temps d’observer votre enfant, de le voir si habile, si futé, si inventif…. Plus vous le regarderez et plus la liberté de se mouvoir librement au sol prendra sens à vos yeux : la richesse des expériences motrices vous paraîtra évidente.
Au fil du temps votre tout petit parviendra à rester seul quelques instants au sol et cette position deviendra naturelle, lui permettant alors d’explorer l’environnement en tentant de se déplacer (se retourner, ramper…).
Des effets à long terme
Mais les bénéfices de cette pédagogie vont plus loin. La psychanalyste Catherine Bergeret-Amselek* mesure au quotidien combien le développement moteur des premières années est fondamental pour le reste de la vie. « Le bébé qui est libre de ses mouvements va construire sa capacité à être bien dans son corps et à se relier aux autres à l’âge adulte, explique-t-elle. Il pourra plus facilement se séparer de ses parents et prendre son élan autonome. Le laisser explorer, toucher, sentir, mettre à la bouche en présence de l’adulte qui sait mettre des limites en douceur en prévenant des dangers, c’est lui permettre de mettre en œuvre toute sa sensorialité et hétérogénéité de son corps tout entier, c’est ce qui fera de lui une personne confiante en la vie » La psychanalyste retrouve chez ses patients des traces des blessures et des failles qui ont eu lieu dans leur environnement quand ils étaient enfants. « Ce sont des personnes qui ont des blocages corporels, relationnels et qui ont des difficultés à s’impliquer dans une vie sociale. Tout peut remonter à la surface aux détours d’événements de la vie ou bien lors de crises existentielles, notamment au moment de devenir parents, poursuit-elle. Ces premières années sont extrêmement importantes pour la suite même si, bien évidemment, rien n’est déterminé. »